Polémique sur l’application de la LCEN
Un petit mémo pour garder trace de la polémique qui enfle autour du décret d’application de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). J’ajouterai peut-être du contenu si les tremblements perdurent…
Dossier du Journal du Net
Un projet de décret pour surveiller le Web participatif et contributif :
FAI, hébergeurs et éditeurs de site ou auteurs d’un blog ouvert aux contributions des internautes devront bientôt stocker une multitude d’informations concernant les internautes. Adresses IP, informations bancaires et civiles, mais aussi pseudos utilisés sur les forums, mots de passe et questions secrètes devront être collectées et laissées à disposition des juges et de l’Etat. Surtout, les hébergeurs, éditeurs de site et blogueurs pourraient être obligés de conserver la trace de chaque version de contenus créés et modifiés par les internautes.
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Objectif : permettre à l’autorité judiciaire ou administrative de remonter jusqu’à l’auteur d’un propos délictueux, ou suspecté, par exemple, de représenter un risque pour la sécurité de l’Etat.
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Un hébergeur aura obligation de connaître la nature de chaque modification faite sur un site.
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Le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) s’en inquiète. […] L’association a fait valoir que les coûts de stockage, s’il tant est qu’il est possible techniquement, entraîneraient entre plusieurs centaines de milliers et un million d’euros de perte nette à chaque éditeur.
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Un internaute pourra être poursuivi, en théorie, 4 ans après avoir publié un contenu sur Internet, sans même connaître les raisons pour lesquelles ces informations ont été recueillies.
Le dossier comporte un document PDF avec le texte du décret.
Le Monde.fr
Polémique sur la rétention des données informatiques par Stéphane Foucart :
La version de travail, que Le Monde a pu consulter, fédère contre elle les associations de défense des libertés et les industriels du secteur.
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Le texte semble trop vague aux acteurs économiques du secteur, qui redoutent d’avoir à conserver l’intégralité des modifications apportées à un contenu.
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L’association Iris rappelle que ces données peuvent être demandées dans le cadre « d’enquêtes administratives et non judiciaires » – c’est-à-dire menées hors du contrôle d’un magistrat.
L’Etat veut-il tuer Internet en France ? par Philippe Jannet (président du Geste) :
Cette mesure ne pourrait que déclencher une défiance immédiate des Français à l’égard de leur téléphone mobile ou fixe, comme à l’égard des acteurs français d’Internet, assassinant instantanément l’économie numérique française.
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De l’avis unanime des spécialistes, c’est économiquement et techniquement impossible. Même les Etats-Unis de George W. Bush et leur « Patriot Act » post-11-Septembre n’ont jamais envisagé pareille conservation ou réglementation, qui soulèverait sans doute l’opinion publique américaine d’aujourd’hui, mais s’opère sans bruit en France.
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Des données récoltées sur la base de requêtes administratives initialement motivées par la prévention du terrorisme pourraient se retrouver dans le dossier d’un juge d’instruction en charge d’une affaire de droit à l’image, de diffamation ou de contrefaçon, par exemple, sans que les personnes mises en cause par des traces informatiques vieilles de 4 ans, puissent connaître – ni contester – l’origine ou la pertinence de ces données, ni le contexte dans lequel elles avaient été recueillies, en dehors de toute procédure judiciaire, sans magistrat ni contradictoire, quatre ans auparavant.
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Sous prétexte de lutter contre la menace réelle du terrorisme, l’Etat français prend – comme aucun autre – le risque de tuer une part non négligeable de l’avenir du pays, sans aucun état d’âme et dans le silence assourdissant d’une campagne présidentielle omniprésente sur Internet, mais muette sur le développement de l’Internet.
Une synthèse
Ce qui émeut le plus Philippe Jannet, en tant que président du GESTE (TF1, Google France, M6, Skyrock, la presse en ligne, etc.), c’est que ces acteurs français de l’Internet vont devoir financer cette traçabilité pour le compte de l’État. L’article du Monde pourrait laisser croire que le GESTE s’inquiète de la confidentialité des données et des pratiques de ses clients : il n’en est rien.
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